Stratégie; Les PME suscitent la convoitise des banques d'affaires
Plusieurs mouvements d'associés ou rapprochements de structures de conseil en M&A intervenant sur le segment midcap viennent d'être annoncés. Ces opérations s'expliquent notamment par la typologie des transactions, qui tendent à gagner en complexité, ainsi que par le regain d'acquisitions anticipé pour les prochains mois.
Alors que les opérations de fusions-acquisitions semblent amorcer en ce début d'année un mouvement de reprise sur le segment midcap, selon les banquiers d'affaires, c'est surtout en coulisses que l'activité bat son plein. Au cours des dernières semaines, plusieurs annonces marquantes sont en effet intervenues en France, comme le rapprochement entre Financière de Courcelles et Financière de l'Epervier, le projet d'acquisition des activités de Leonardo France par Natixis, ou encore les départs de deux associés-gérants de Transaction R (Rothschild) pour fonder la boutique Raphaël Financial Advisory...
Un foisonnement d'initiatives qui, pour les spécialistes, en présage de nouvelles. «Sans aller jusqu'à parler de consolidation du secteur, il faut s'attendre à un mouvement de rationalisation», estime ainsi Charles Bédier, associé en charge de l'activité conseil en fusions-acquisitions chez Deloitte.
Une taille critique nécessaire
Cette tendance de fond s'explique d'abord par l'environnement économique. «Même si l'activité semble s'accélérer depuis le mois de janvier dernier, le volume d'opérations de M&A impliquant des PME-ETI est très éloigné de ses niveaux d'avant-crise, témoigne Bertrand Le Galcher Baron, associé-gérant chez Invest Securities. Celui-ci reste près de trois fois moins important !»
Or, depuis le début de la crise, le nombre d'acteurs a eu tendance à augmenter, sous l'effet notamment de la création de petites boutiques lancées par d'anciens banquiers d'affaires et de l'atonie de l'activité M&A parmi la clientèle des grandes capitalisations, qui a conduit des cabinets à se positionner sur le segment midcap. «Dans la mesure où les cabinets perçoivent une rémunération uniquement en cas de conclusion d'une opération, la complexité de réalisation des opérations, conjuguée à la concurrence croissante entre structures de conseil, contraignent certaines entités qui n'ont pas la masse critique à se regrouper afin de mutualiser les risques en matière de revenus et de dégager des économies d'échelle», témoigne Charles Bédier. Les équipes disposant d'une base de contacts composée majoritairement de capitaux-investisseurs figurent parmi les plus touchées. «Malgré un regain d'appétit de la part des fonds de private equity, leur part dans les transactions bouclées depuis la crise a sensiblement reculé, indique Henri Mion, coresponsable en charge du M&A pour les midcaps à la Société Générale. Les boutiques spécialisées sur cette clientèle ont donc été davantage affectées par le cycle économique.»
Les raisons de l'effervescence actuelle sont également liées aux caractéristiques des acquisitions dorénavant menées par les petites et moyennes sociétés. Depuis quelques mois, ces dernières tendent à s'intéresser de plus en plus à des cibles étrangères, situées dans des marchés plus dynamiques que la France. «Une part significative des PME françaises est aujourd'hui tournée vers le développement à l'international, principalement en Allemagne, au Benelux et en Italie, confirme Sophie Javary, responsable du corporate finance EMEA chez BNP Paribas. A la différence des opérations strictement domestiques, celles transfrontalières impliquent un processus plus long et plus complexe (étude comparée de la législation et de la fiscalité, etc.), ce qui nécessite de disposer d'équipes spécialisées et suffisamment nombreuses. La sécurité des opérations en dépend.»
Une condition qui a notamment favorisé le rapprochement entre Financière de Courcelles et Financière de l'Epervier. «Pour être en mesure de soutenir notre développement à l'international, nous souhaitions atteindre une taille critique, précise Dominique Auburtin, président-directeur général de Financière de Courcelles.
Grâce à cette opération, nous allons passer d'une vingtaine de collaborateurs à une trentaine, avec l'appui de 20 senior advisors, nous donnant ainsi l'envergure adaptée pour franchir ce cap.»
Un segment plus ouvert que celui des grandes capitalisations
Même si certaines annonces récentes relèvent de stratégies jugées comme défensives par des spécialistes, les réflexions des banquiers d'affaires sont également guidées par les perspectives globalement favorables que pourrait offrir ce compartiment du marché M&A. «Malgré une activité qui demeure convalescente, nous ne manquons à ce jour pas de dossiers, insiste Henri Mion. Dans l'optique d'un redémarrage de l'économie française, ce constat incite donc à l'optimisme.»
De plus, ce segment reste pour les conseils, une fois la taille critique atteinte, attractif. «Contrairement au compartiment des large caps, où les «marques» des banques et boutiques sont déjà installées, celui dédié aux midcaps, plus profond, continue d'être assez concurrentiel, constate Bertrand Le Galcher Baron. Il reste donc encore de la place à prendre.» De quoi inciter les plus petits acteurs à saisir ces opportunités en se renforçant, et les plus gros à avancer leurs pions dans cette activité à la fois déterminante en termes de produit net bancaire et peu consommatrice en capitaux. En 2015, la course aux parts de marché s'annonce plus intense que jamais.
La logique d'offre globale de produits s'impose
La volonté de Natixis de renforcer son expertise en matière de conseil en fusions-acquisitions sur le segment midcap, illustrée par le projet de rachat de Leonardo France, illustre la stratégie de la banque de diversifier au maximum son offre. «A ce jour, nous accompagnons déjà de nombreuses PME et ETI en matière de financements tant bancaires que désintermédiés, en dette comme en capitaux, rappelle Marc Vincent, directeur des relations clients et conseil de Natixis. Même si nous disposons déjà de 10 plateformes régionales nous permettant d'accompagner les entreprises de taille moyenne dans leurs opérations de croissance externe, nous souhaitions franchir un cap dans ce métier. L'objectif consiste à être présent sur l'ensemble de la palette de services pouvant intéresser nos clients afin de leur fournir une offre globale.»
Au sein des grandes banques universelles, la démarche est identique. «Chez BNP Paribas, l'activité de conseil en M&A et en opérations actions fait partie intégrante de la relation globale avec nos clients, y compris les PME, explique Sophie Javary, responsable de corporate finance EMEA. Lorsque ces dernières nous sollicitent, elles attendent d'être accompagnées à travers des plateformes qui leur proposent la gamme entière de prestations, allant du conseil au financement.»
Cette tendance tend donc à avantager les établissements généralistes, au détriment des boutiques de conseil. «Les équipes de M&A intégrées aux grandes banques universelles peuvent mettre à la disposition de leurs clients une offre intégrée avec tous les outils de financements, ce que les boutiques ont plus de difficultés à challenger», constate Henri Mion, coresponsable en charge du M&A pour les midcaps chez Société Générale.
«Les opérations transfrontalières impliquent un processus plus complexe, ce qui nécessite de disposer d'équipes spécialisées et suffisamment nombreuses.»
Sophie Javary, responsable du corporate finance EMEA, BNP Paribas
«Grâce à notre rapprochement avec L'Epervier, nous allons passer d'une vingtaine de collaborateurs à une trentaine, ce qui nous permettra de soutenir notre développement à l'international.»
Dominique Auburtin, président-directeur général, Financière de Courcelles