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Par NICOLAS RAULINE
La « vallée de la mort », un écueil pour les start-up de la French Tech
Le baromètre 2016 des levées de fonds d'In-Extenso pointe les difficultés des pépites intermédiaires pour convaincre les investisseurs.
Elles sont en croissance, ont trouvé leur public… mais leur existence demeure fragile. La vague de la French Tech et l'embellie sur les investissements dans les start-up françaises ont fait oublier à certains que la vie d'une start-up ne tient qu'à un fil. Plusieurs cas, ces derniers mois, ont montré que le chemin des jeunes pousses n'était pas linéaire. Big Moustache, notamment, a frôlé la disparition. Le vendeur de rasoirs en ligne a lancé un appel sur LinkedIn, indiquant que faute de nouveaux fonds, il se retrouverait en redressement judiciaire. La société, pourtant en croissance, avait été lâchée par un investisseur potentiel, qui devait injecter quelques centaines de milliers d'euros et lui permettre de se développer. Son appel a été entendu : le nombre de commandes s'est envolé en fin d'année dernière et un nouvel actionnaire, Sia Partners, a misé 500.000 euros sur la start-up.
Des modèles qui ne dégagent pas assez de bénéfices
Le cas n'est pas isolé. Selon un banquier, deux autres sociétés françaises, plus matures que Big Moustache, sont aujourd'hui en danger et ne parviennent pas à convaincre de nouveaux investisseurs. Victimes de la « vallée de la mort », comme on commence à l'appeler. Ce terme catastrophiste s'applique aux sociétés de deux à cinq ans le plus souvent, qui ont déjà un ou plusieurs produits sur le marché, ont trouvé leur public et sont en croissance. Mais, pour financer cette croissance, faire connaître leur marque et trouver de nouveaux marchés, il leur faut de l'argent frais. Leur modèle ne leur permet pas, en effet, de dégager de bénéfices, ou trop peu comparé à leurs besoins.
Le phénomène est bien mis en évidence par le baromètre 2016 des levées de fonds, réalisé par In-Extenso (filiale de Deloitte). Selon ce dernier, les entreprises nées entre 2010 et 2015 ont levé l'an dernier 46 % du montant total des fonds levés en France, soit 1,26 milliard d'euros. C'est moins que les sociétés créées avant 2010 (52 % du total), alors qu'il s'agit pourtant d'un moment critique de leur vie. Les entreprises qui ont entre trois et cinq ans ont, elles, enregistré 195 opérations de financement l'an dernier, soit 34 % du total. Cela représente 730 millions d'euros, soit 26 % du montant total. « C'est beaucoup plus que l'an dernier, mais cela reste insuffisant par rapport aux besoins », lance Patricia Braun, présidente associée d'In Extenso Innovation Croissance, qui poursuit : « A l'inverse, beaucoup de sociétés de plus de sept ans continuent de lever des fonds pour éponger leurs pertes, car elles n'ont pas toujours trouvé de modèle. Certains doivent se poser la question de ces financements. »
Les grands groupes à la rescousse ?
Un sentiment confirmé chez Raphaël, un leveur de fonds et conseiller spécialisé dans la technologie créé il y a près de deux ans. « Il y a des trous dans la raquette, notamment pour les sociétés qui sont rentables ou proches de l'être mais doivent aller à l'international pour changer d'échelle, explique Benoît O'Mahony, un ancien de Rothschild qui a cofondé Raphaël Financial Advisory et en est le président. Des fonds français et étrangers commencent à se positionner sur ces tours de table compris entre 7 et 20 millions, mais il n'y a pas encore assez d'acteurs en France. » Souvent, deux cas de figure se présentent : soit la société récupère des fonds et accède à l'étage suivant, soit elle n'y parvient pas et elle se trouve en péril. « Cela peut aller très vite », souligne Benoît O'Mahony.
Certains mettront en avant qu'il s'agit là d'une sélection naturelle et que les start-up les plus solides parviennent, au final, à survivre. En outre, le phénomène pourrait se réduire à l'avenir, notamment avec la présence de plus en plus forte de fonds internationaux (le nombre de levées de fonds faisant intervenir des investisseurs étrangers a doublé sur les quatre dernières années). Récemment, encore, Atomico a annoncé vouloir financer davantage de deals en France. Le corporate venture pourrait aussi prendre le relais, les grands groupes étant à même de financer des investissements technologiques, sans attendre de rentabilité à court terme.