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Par Delphine Denuit

Notre associé Florent Haik explique les défis de transformation qui attendent la grande distribution pour conserver leur leadership face aux nouveaux acteurs comme Amazon.

Les quatre défis qui attendent la grande distribution

Après une année 2017 «très difficile» de leur propre aveu, les distributeurs français sont contraints de s’adapter à la nouvelle donne des acteurs du Net, Amazon en tête, qui leur grapillent des parts de marché. 

Six mois après son arrivée à la tête de Carrefour, le nouveau PDG Alexandre Bompard dévoilait la semaine dernière un plan choc destiné à relancer le groupe, mis à mal notamment par les acteurs de l'e-commerce. Retour sur les défis qui attendent la grande distribution.

1. Des hypers plus petits, recentrés sur l’alimentaire

De moins en moins de clients s’y rendent pour faire leurs emplettes non alimentaires. Celles-ci génèrent 21,5% du chiffre d’affaires (en recul de 4,1%) des hypers sur les neuf premiers mois de 2017 selon le cabinet Gfk. Ces mastodontes, pouvant atteindre jusqu’à 25 000 m2, lassent le consommateur qui préfère se tourner vers le Web pour acheter sa cafetière ou sa télévision. « Ils viennent en hyper regarder les nouveautés, mais achètent en ligne, remarque Frédéric Valette, directeur consommatioon chez Kanter WorlPanel. Comparativement, la plate-forme Amazon propose plus de 300 millions de références contre 80 000 grand maximum pour un hyper. » 

Premier à réagir, Casino a commencé dès 2010 à réduire la surface de ses hypers pour les ré-allouer à d’autres enseignes. Et depuis six mois, c’est Cdiscount (son pôle e-commerce) qui se charge d’approvisionner ses magasins en produits techniques, jardin et maison. Carrefour vient de lui emboîter le pas en signant un accord similaire avec Darty Fnac .

« Les hypers s’orientent vers une offre alimentaire plus étoffée, sur-mesure (thématique, à la demande, sur abonnement) et des rayons non alimentaires transformés en corners, exploités par des marques, sur le modèle des Galeries Lafayette », note Florent Haïk, fondateur du cabinet conseil Raphaël Financial Advisory.

2. Le retour en centre-villes

Tous y planchent. certains ont déjà fait un axe de développement stratégique. « C’est le cas de Carrefour et Casino qui, à eux deux, dominent 70% du circuit de proximité. La multiplication des enseignes de proximité reste réservée aux grandes villes car elle répond à un besoin client spécifique où la population est vieillissante ou sans enfant avec de petits paniers réguliers », précise Frédéric Valette.

En réalité, l’offensive d’Amazon, qui propose des livraisons sous 24 heures, ne leur laisse guère de choix. Ils leur faut contre-attaquer en proposant ce qu’Amazon peine à offrir : l’alimentation d’appoint. Pour fidéliser leur clientèle, ces petites surfaces, quasi exclusivement dédiées à la nourriture, multiplient les formules déjeuners et snaking avec livraison dans la journée (dans l’heure pour Franprix).

Face au succès du bio, « on assiste aussi à un fort développement de chaînes bios urbaines lancées par les distributeurs (Naturalia chez Casino, Carrefour Bio, Auchan Bio...) », souligne Yves Marin, directeur de la grande consommation chez Wavestone.

3. Vers une nouvelle expérience client

« Amazon a élevé le niveau d’attente des clients en matière de livraison, SAV (retours gratuits), avis en ligne et rendu l’ancien modèle des distributeurs obsolète... Désormais, c’est la marchandise qui vient au consommateur et non plus l’inverse », résume Yves Marin. Jamais la fidélité d’un client n’a été autant convoitée. Aux Etats-Unis, Walmart teste la livraison des courses directement dans le frigo de ses clients. « On n’y est pas encore en France mais on y tend, tous les distributeurs planchent sur la livraison gratuite, mais sans y parvenir », note Frédéric Valette.

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Le drive, qui propose une solution intermédiaire, offre une liberté et un gain de temps très appréciés. Côtés innovations, les distributeurs testent des magasins sans caisse où le client achète en scannant son produit via son mobile sans s’arrêter en caisse. « Un client passe en moyenne 40 minutes en hyper dont 6 minutes en caisse », précise Yves Marin. C’est bien trop long et irrite le consommateur à l’heure du 2.0. » Toujours pour gagner du temps, les consignes font leur grand retour.

Précurseur encore, Amazon teste depuis avril le retrait de certains de ses articles directement dans des casiers installés sur des lieux de passage (centres commerciaux, stations-services et chez certains supermarchés Leclerc et G20). Le client passe récupérer son achat quand il le peut.

4. Multiplier les partenariats en ligne

« Les distributeurs doivent se renforcer sur l’e-commerce et créer des passerelles avec leurs magasins physiques » s’ils veulent subsister, prévient Florent Haïk. Cela passe par des achats et partenariats avec des sites marchands bien implantés. C’est la stratégie de Carrefour qui vient de s’offrir une participation (17%) dans le site Showroomprive.com, spécialisé dans la vente de vêtements soldés en plus de ses sites d’e-commerce spécialisés : Greenweez (produits bio), Croquetteland (aliments pour animaux), Grandsvins-prives.com (vins).

Mais l’exemple le plus abouti reste celui de Casino avec Cdiscount, racheté en 2011. Depuis, des corners en magasin permettent aux clients en ligne de se faire livrer leurs achats et aux 2500 magasins du groupe de s’approvisionner via la centrale d’achat du site.

« Cette stratégie est valable pour les distributeurs intégrés, comme Carrefour et Casino, qui ont la trésorerie nécessaire pour s’offrir ces briques, mais pas du tout aux distributeurs coopératifs ou indépendants regroupant des centaines d’adhérents comme Système U, Intermarché ou Leclerc », tempère Frédéric Valette.